vendredi 6 avril 2012

RK Narayan, Le Guide et la danseuse


Chers Amis du Potager,

C’est grâce à mon ami le Pingouin que j’ai découvert les œuvres de RK Narayan. Peu répandue jusqu’à présent en français, les éditions Zulma ont eu l’excellente idée de rééditer sa prose.

Le premier roman à bénéficier de cette redécouverte est dont le Guide et la Danseuse.

Raju vient de sortir de prison, où il purgeait une peine d’assez courte durée. Cherchant un abri pour la nuit, il s’installe sans façon dans un temple, et n’en demande pas plus. Seulement voilà, Velan, un paysan du coin, le prend pour un sage, et vient lui conter les malheurs de sa famille. Raju, qui entend se débarrasser de l’importun, se contente de lancer quelques banalités qui font mouche. La jeune sœur de Velan consent au mariage, et voilà Raju intronisé Swami du village en question.

Et poussé par des circonstances mystérieuses, qui se dévoileront au cours de l’histoire, Raju va raconter sa vie à Velan, de son enfance paisible à l’arrivée du chemin de fer derrière sa maison, l’ouverture de son magasin à la gare, et, surtout, son talent pour divertir les touristes et leur servir de guide dans la région.

Mais un jour, débarquent du train de Madras Marco, le lettré passionné par les antiques peintures rupestres, et Rosie, l’adorable danseuse brimée dans son art.

La suite est aisée à deviner : Raju qui tombe amoureux de Rosie, et les déboires qui s’en suivront.

En réalité, dans ce très beau roman, Narayan reprend simplement à son compte la vieille philosophie indienne qui veut que nul n’échappe à son karma. Pas plus Rosie que Marco. Pas même Raju piégé dans son rôle de gourou malgré lui.

Alternant le récit contemporain (Raju dans le temple) et le récit chronologique de sa vie d’avant, Narayan sert son histoire avec poésie et humour. Comme dans les nouvelles découvertes chez le Pingouin, la société indienne des années suivant la décolonisation est très bien dépeinte, dans ses activités et non dans des descriptions inutiles, vive et colorée. L’ironie des situations n’échappe à personne, le drame ne se pare d’aucun pathos. Même lorsque la situation penche du mauvais côté, un élément incongru apporte une touche de légèreté, sans artificialité.

L’écriture de Narayan est également d’une grande beauté, comme celle d’un Tagore. Narayan écrivait en anglais et sa prose a ce charme propre à ceux qui n’écrivent pas dans leur langue maternelle. Leur amour de leur langue d’adoption transparaît dans chacune de leur phrase, dans leur respect du style ( ce qui ne veut pas dire que l’on tombe dans l’académisme).

L’ambiance est tout à fait là, dans l’obscurité où l’on cherche à surprendre les fauves de la jungle, dans les parfums qui embaume le temple décoré par les femmes du village, et devient suffocante lorsque la sécheresse transforme la terre en poussière. Dans les belles nuits indiennes, sonores et parfumées.

Une très belle histoire, donc, servie par un texte envoûtant et élégant.

Mademoiselle Potiron

Le Guide et la danseuse (the guide) par RK NARAYAN, Zulma 288 pages, 21,50 €

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